04/02/2014 // Miller: l’époque où l’on criait «haro sur le Bode» est révolue
Quand Bode Miller aura rangé ses lattes, sans doute l’an prochain après les Championnats du monde de Vail, il laissera un grand vide dans le «cirque blanc». Bien sûr, on dit toujours ça quand un grand tire sa révérence ou, en l’occurrence, s’approche de la porte de sortie. Dans le cas du skieur de Franconia, dans le New Hampshire, c’est à la fois le champion et le personnage qui vont manquer. Bode peut évidemment se prévaloir d’un palmarès en béton: 5 médailles olympiques (mais l’or seulement en combiné, ce qu’il aura à cœur de rectifier à Sotchi…), 4 titres de champion du monde, dans 4 disciplines différentes (seul le titre du slalom lui échappe), 2 Coupes du Monde au général, 33 victoires CM (dans les 5 disciplines). N’en jetez plus! Mais là n’est pas l’essentiel. Bode, c’est aussi et surtout – là où tant d’autres ont une technique interchangeable – un style inimitable, funambulesque, reconnaissable entre mille, caractérisé par une prise de risques de tous les instants et des lignes originales, très tendues, toujours à la limite de la sortie. D’abord plutôt technicien, l’Américain se dirigera ensuite progressivement vers la vitesse, avec un égal succès. Mais s’il n’y avait que le palmarès et la technique, Bode Miller aurait sans doute laissé une trace moins durable. Car l’homme est à la hauteur du skieur, hors normes voire «borderline». Né de parents hippies, voyageant en camping-car, il se situera toujours en marge de l’équipe américaine. N’hésitant pas à multiplier les déclarations provocantes, sur le dopage, sur l’alcool, sur la FIS, faisant parfois l’impasse sur des épreuves pour des motivations futiles, l’Américain ne se fera pas que des amis sur le circuit. Pour paraphraser La Fontaine dans «Les Animaux malades de la peste», certains ne se priveront pas de «crier haro sur le Bode» (ce pelé, ce galeux, d’où venait tout leur mal…).Mais l’âge venant, et peut-être aussi parce que le ski compte plus de braves soldats que de personnages charismatiques, Bode a gagné le respect de tout le monde, du public, et surtout de ses pairs. Car derrière sa carapace, on sent chez lui un immense amour du ski. Dévasté il y a 10 jours par sa 3e place à la descente de Kitzbühel, une épreuve qu’il n’a jamais réussi à inscrire à son palmarès, l’Américain a ému tout le monde. Qu’ils soient suisses, autrichiens, français ou italiens, ils étaient des milliers à partager sa déception et à souhaiter que cette injustice soit enfin réparée l’an prochain. Et ça, c’est peut-être sa plus belle victoire…