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20/07/2012 // L'avis d'Olivier Brand sur les nouvelles réglementations

L'avis d'Olivier Brand sur les nouvelles réglementations

 

Afin de diminuer les blessures, la Fédération Internationale de ski (FIS) a décidé il y a un an de changer la réglementation concernant les dimensions des skis dès la saison 2012/2013. La discipline la plus touchée par ces nouvelles normes est le géant.
Afin d’en savoir davantage sur les réelles conséquences de cette décision, nous avons demander l’avis d’Olivier Brand. Ancien skieur professionnel, il a notamment remporté à deux reprises la Coupe d’Europe de Super-G (2007 et 2008) et participé à des Coupes du monde dans 4 disciplines. Actuellement enseignant, il est également consultant à la RTS.

Tooski : Le nouveau règlement va principalement toucher le géant, pouvez-vous nous expliquer les modifications techniques que cela va induire?

Olivier Brand : L’évolution des skis de géant est importante chez les hommes, elle l’est peut être un peu moins chez les femmes, particulièrement en Coupe du monde. Jusqu’à maintenant, les hommes skiaient avec des normes minimum: 190cm en longueur, 27,5m de rayon et 69mm au patin. En réalité, la majorité des marques proposait des skis avoisinant les 30m de rayon. Aujourd’hui, les nouvelles normes hommes imposent un ski de 195cm avec 35m de rayon tout en étant plus étroit.
Concernant les femmes, les anciennes normes correspondaient à 185cm et 23m de rayon, cependant une majorité des athlètes du premier groupe (top 15) skiaient déjà des skis de 187-190cm et avec des rayons de 27,5m à 30m, notamment Lindsey Vonn qui skiait déjà sur un modèle homme.
Concrètement, les athlètes touchés par ce changement de règlement sont donc les hommes et les femmes qui ne sont pas vraiment au sommet de la hiérarchie mondiale.

Les changements techniques pour ces athlètes sont considérables car le ski va beaucoup moins travailler de lui-même dans la courbe, tout particulièrement en entrée de courbe. Actuellement, les athlètes et les entraîneurs cherchent le meilleur chemin à emprunter pour adapter la technique à ce nouveau matériel. On peut imaginer que sur des portions faciles, des tracées assez large, le fait d’être conséquent sur le ski extérieur et très patient en entrée de courbe suffira, mais ce ne sont là que quelques virages ! Il faudra donc certainement forcer l’orientation du ski par un « drift » si le rayon imposé est plus serré que celui des skis ou alors aller chercher très tôt de l’angulation pour obtenir un peu de réaction du ski. La transition d’un virage à l’autre serait alors expédiée pour aller chercher la conduite en phase 2 le plus rapidement possible.

Tooski : Ce changement de règle vise à diminuer les blessures, n'est-ce pas en ce sens une bonne décision de la FIS?

Olivier Brand : Tout le monde souhaiterait diminuer les blessures, c’est le chemin utilisé qui n’est pas le bon ! Pour preuve, une semaine après la sortie des ces premiers skis, il y avait déjà 3 blessés graves (ligaments croisés pour J-B Granges notamment). Les athlètes le disent déjà, ces skis sont très physiques et les fins de manche deviennent compliquées. On sait pertinemment que les risques de blessures sont fortement liés au niveau de fatigue, alors on peut se poser la question si on ne va pas assister à de nouvelles blessures ? Le problème est ailleurs, peut être dans la préparation des pistes. Les neiges artificielles, très « agressives », comme on a l’habitude de dire, sont problématiques. Injectées d’eau, ces neiges deviennent des billards hyper réactifs qui ne laissent pas vraiment le droit à l’erreur, contrairement à des pistes un peu moins compactes. 

Tooski : Certains critiquent les instances dirigeantes qui n'auraient pas étudié les nouvelles règles de manière approfondie. La FIS a-t-elle réellement omis l'avis des principaux intéressés, les skieurs?

Olivier Brand : 49 signatures recueillies sur les 50 meilleurs athlètes mondiaux contre ce nouveau règlement, cela montre que la FIS ignore l’avis des athlètes ! C’est malheureux, mais c’est un fait. Comme dans de nombreuses structures sportives, les instances dirigeantes pensent avoir les connaissances et les compétences pour gérer et faire évoluer leur sport. Elles oublient simplement que les premiers concernés sont et resteront les athlètes, et que c’est au cœur de la pratique que des solutions doivent  naître. Ce retour en arrière au niveau du matériel démontre clairement l’incapacité de la FIS à faire évoluer le ski alpin.

Tooski : Quels sont les conséquences d'un tel changement pour les équipementiers?

Olivier Brand : Les coûts sont énormes pour les équipementiers car il faut réalimenter en une année la totalité des athlètes de Coupe du monde, de Coupe d’Europe et l’ensemble des skieurs (FIS) l’année suivante. Produire des skis est une chose, mais là on ne parle pas d’évolution, mais bien d’un nouveau produit, alors sur quelles bases commencer? Le nombre de prototypes pour aboutir à quelque chose de performant est considérable et très coûteux. De plus, certaines marques ont dû refaire de nouvelles plaques plus étroites, alors qu’en temps normal ce matériel est utilisé sur plusieurs saisons sur les paires d’entraînement. Tout comme les skis utilisés par les tout meilleurs, au lieu d’être redistribués aux plus jeunes, ils seront simplement mis à la poubelle !

Du point de vue commercial, ce retour en arrière va à l’encontre du marché actuel. Si l’on caricature, cela va être difficile de vendre l’image d’une pratique dans laquelle les meilleurs mondiaux évoluent avec du matériel moins performant que celui existant dans le commerce ! Ces skis et les développements technologiques qui vont avec ne permettront plus d’améliorer directement le matériel commercial.

Tooski : Pensez-vous que le spectacle sera néanmoins au rendez-vous? Et que par conséquent les fans ne bouderont pas la discipline?

Olivier Brand : Je pense que les images produites seront toujours spectaculaires, le niveau des athlètes est tel que pour le spectateur lambda, il n’y aura pas une énorme différence. On risque même de voir les skieurs un peu plus « batailler » entre les piquets, ce qui peut donner de belles images ! Maintenant, pour les connaisseurs, c’est vrai qu’il faudra se faire à l’idée que la technique sera moins pure qu’avant (plus de drift, moins de conduite du ski de haut en bas), les athlètes le disent eux-mêmes, les sensations ne sont plus aussi bonnes qu’avec les anciens skis.

Tooski : Les tracés seront différents, la technique aussi, est-ce donc la mort du slalom géant?

Olivier Brand : Actuellement, la FIS n’a encore pas émis de changement au niveau des règlements concernant les tracés et c’est bien là le problème de certaines pistes. Notamment avec la magnifique piste de Bellevarde à Val d’Isère, qui posait déjà problème les dernières saisons puisque pour s’en tenir au règlement (nombre de changements de direction définis par la dénivellation), il fallait laisser 23-24m entre les portes ! Vous imaginez le problème avec des skis de 35m de rayon, il n’y aura plus besoin de lisseurs ! Les athlètes seront en travers la moitié de la piste ! Ce sera peut être plutôt la mort de certains rendez-vous hivernaux.

Tooski : Est-ce que vous pensez qu'on verra sacré un autre géantiste à la place de Marcel Hirscher ou Ted Ligety la saison prochaine?

Il est très difficile de se prononcer, mais il est clair que certains athlètes vont avoir des problèmes d’adaptation. Pour ce qui est de Marcel et de Ted, je ne pense pas, car tous deux ont une vitesse de jambe incroyable et ils sont capables de mettre beaucoup d’angle, je les laisserai donc dans les favoris. Mais on va être face à un conflit de génération intéressant. Les skieurs nés après 1985 n’ont jamais skié ce genre de skis, alors que les plus anciens ont tous commencé les courses internationales avec ce matériel, il y a 15-20 ans ! On va donc peut être retrouver ces mêmes soucis d’adaptation qu’avait connu la génération de Jure Kosir en fin de carrière, lors de la transition vers le « carving ».

Tooski : Pensez-vous qu'on assistera à un boycott du slalom géant?

Olivier Brand : Non, certainement pas puisque le géant restera la base pour être efficace dans les disciplines de vitesse. Par contre, on va encore un peu plus mettre de côté le slalom qui va devenir l’unique discipline avec des skis modernes dits « carving », discipline dans laquelle on va dès lors avoir de plus en plus de spécialistes.

 

 

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