09/04/2020 // Urs Lehmann: un programme aux contours encore flous
Bien sûr il reste encore du temps puisque le Congrès de Pattaya, qui devait désigner en mai le successeur de Gian-Franco Kasper à la présidence de la FIS, a été renvoyé à des temps meilleurs et n’aura sans doute pas lieu avant l’automne. Les candidats n’ont donc aucun intérêt à abattre leurs cartes trop tôt. Pour l’instant du moins, l’esquisse de programme qu’Urs Lehmann, actuellement Président de Swiss-Ski, propose sur le site de la fédération est en tout cas suffisamment flou pour fédérer et éviter les polémiques. Personne ne trouvera sans doute à redire à l’idée de développer le marché asiatique et ses 300 millions de skieurs potentiels, ni à celles assez vagues il est vrai, de peaufiner les structures actuelles, de revaloriser l’image des sports d’hiver et de mieux commercialiser ces derniers.
L’épineux dossier du format de course
Concernant la problématique des disciplines elles-mêmes, on attend en revanche des positions plus claires de la part de Lehmann et aussi bien sûr des autres candidats. Là, il faudra des visionnaires plus que des gestionnaires. Le ski alpin, bien que partant de beaucoup plus haut, doit réussir ou en tout cas tenter de faire ce qu’a réussi le biathlon, pratiquement moribond il y a deux décennies, avant de retrouver un nouveau lustre avec l’apparition de la mass-start, de la poursuite et de nouveaux formats de relais, à savoir augmenter sensiblement l’attractivité de ses compétitions. Il l’a fait pour la dernière fois avec l’introduction du Super-G lors de la saison 82-83, une discipline qui met en avant les qualités instinctives des coureurs privés d’entraînement sur la piste de course. Un Super-G, dont, si l’on en croit les rumeurs, la FIS entend pourtant limiter le nombre de courses la saison prochaine… Aujourd’hui, il faut aller plus loin. Le géant parallèle est un échec cinglant, le parallèle lui-même discutable, même si un circuit de slaloms de ce type resserrés (par exemple, une dizaine d’étapes en autant de jours), dans des stations différentes, pourrait être intéressant.
La prudence de Lehmann
A ce stade, Urs Lehmann se montre d’une prudence de Sioux sur ce dossier, même si lui aussi condamne le géant parallèle. Il se borne à mettre en avant la nécessite de compacter les courses pour les rendre plus télégéniques. On peut le suivre sur ce point, mais si une durée de 60-90 minutes est envisageable dans certaines disciplines, elle correspond au passage de moins de 20 coureurs sur le Lauberhorn. Faut-il alors disputer des qualifs pour ne garder que la crème de la crème le jour de la course? Possible mais pour certains, disputer Wengen et Kitz constitue un but en soi, le but d’une carrière même, et on ne gagnerait sans doute rien à leur ôter cet objectif. Quoi qu’il en soit, un sport ne doit jamais renier ses traditions et balancer ses joyaux à la poubelle. On le voit bien en tennis, où le calendrier s’articule autour des grands chelems, et où la réforme de la Coupe Davis se heurte à d’immenses réticences, justement parce que c’est la tradition que l’on tue. A propos de grands chelems, créer une sorte d’équivalence en ski serait aussi une piste à suivre, si possible en veillant à ce que les autres épreuves ne se sentent pas reléguées en 2e division, un exercice qui nécessite donc un équilibre assez fin.
Le bon timing pour sortir du bois
Jusqu’ici, Urs Lehmann, qui en cas d’échec de sa candidature, a annoncé qu’il resterait probablement à la tête de Swiss-Ski si l’on veut bien de lui, a plutôt brillé comme gestionnaire que comme visionnaire. Mais il doit changer de registre, surtout que, répétons-le, la mainmise des Suisses sur le poste depuis près de 70 ans, peut en gêner certains. Lui-même déclare à ce sujet, et à juste titre, qu’il faut voter pour le meilleur, quelle que soit sa nationalité, mais cela ne fait que renvoyer le problème: pourquoi diable le meilleur serait-il toujours suisse? Dans cette perspective, on peut penser que Lehmann ne sera pas élu sur un programme «profil bas». Il lui faut des idées fortes pour emporter le morceau. Peut-être les a-t-il d’ailleurs et attend-il juste le moment opportun? Mais il ne doit pas non plus attendre trop longtemps car d’autre pourraient bien lui couper l’herbe sous les pieds…
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