22/11/2016 // Henri Oreiller et Edi Reinalter: deux destins tragiques
Jeux olympiques 1948 (30 janvier-8 février)
Trois ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, l’Europe panse encore ses plaies. Les Mondiaux de 1946 n’ayant évidemment pas pu avoir lieu, les skieurs se retrouvent à St-Moritz en 1948 dans le cadre des Jeux olympiques qui, à l’époque, avaient également le statut de Championnats du monde. Mis au ban du mouvement olympique, l’Allemagne et le Japon manquent à l’appel, contrairement à l’Italie. Après le serment olympique prononcé par la légende du hockey suisse Bibi Torriani, les compétitions débutent, notamment celles de ski alpin, une discipline qui fait son entrée officielle dans le programme olympique même si un combiné avait déjà été disputé aux JO 1936 de Garmisch-Partenkirchen, avec la victoire des Allemands Franz Pfnür chez les hommes et Christl Cranz chez les dames.
Chez les messieurs, le Suisse Karl Molitor (1920-2014, six fois victorieux au Lauberhorn), s’élance avec l’étiquette de favori en descente, mais il ne peut rien contre le Français Henri Oreiller. Déchaîné, celui-ci enchaîne les passages les plus difficiles avec une aisance déconcertante et relègue le Suisse à 5 secondes. Encore battu par l’Autrichien Franz Gabl, Molitor doit se contenter du bronze, à égalité avec son coéquipier Ralph Olinger. A noter que Molitor s’était déjà illustré avant-guerre en prenant la 3e place de la descente des Mondiaux de Zakopane en 1939. De son côté, Henri Oreiller (1925-1962) a connu un destin tragique. Surnommé le «fou descendant», le Parisien ne retrouvera plus jamais sa forme de 1948, même s’il finit 4e du géant des Mondiaux 1950. En 1952, il abandonne le ski pour se tourner vers le rallye automobile, une discipline où il s’illustrera également puisqu’il sera sacré champion de France. Mais sa nouvelle passion lui coûtera la vie. Victime d’un accident sur le circuit de Montlhéry, il meurt à l’âge de 36 ans.
La surprise Reinalter
En slalom, le Suisse Edi Reinalter (1920-1962), qui évolue à domicile puisqu’il est de St. Moritz, crée la grande surprise en dominant le Français James Couttet, qui faisait figure d’épouvantail. Un peu trop sûr de son fait, Couttet (déjà champion du monde de descente 10 ans avant à Engelberg), laisse échapper la victoire pour une demi-seconde au profit du leader de la «Guardia Grischa», la garde grisonne, du nom que l’on donnait aux skieurs grisons qui écumaient les courses de l’époque. Oreiller prend la troisième place alors qu’un autre grand favori, l’Autrichien Christian Pravda, est éliminé. Comme Oreiller, Edi Reinalter connaîtra un destin tragique: sa victoire sera hélas sans lendemain et en 1962, la même année qu’Oreiller, il se tire une balle mortelle en nettoyant son fusil de chasse… Pour l’anecdote, les cinéastes chargés de tourner le film officiel des JO ratèrent la 2e manche du Grison qui, bon prince, fit un 3e parcours juste pour les caméras…
En combiné, on retrouve les mêmes hommes sur le podium, Oreiller devançant Molitor et Couttet.
Victoire malgré une chute!
Comme chez les hommes, la descente féminine sourit à la Suisse avec la victoire d’Hedy Schlunegger, qui parvient à devancer les favorites autrichiennes Trude Beiser-Jochum (qui remportera l’or en descente 4 ans plus tard à Oslo) et Resi Hammerer. La skieuse de Wengen (1923-2003) gagne malgré une chute dans le secteur du «Kanonenrohr»! Sept fois championne suisse, elle ne réussira pourtant plus jamais à renouveler une performance de ce niveau au niveau international. A noter qu’Hedy Schlunegger était la grand-mère de Martina Schild, médaillée d’argent aux JO de Turin 2006 en descente. Bon sang ne saurait mentir!
En slalom, l’Américaine d’origine norvégienne Gretchen Fraser crée elle aussi la surprise en prenant le meilleur sur la Suissesse Antoinette Meyer (1920-2010), qui épousera peu après Karl Molitor et se retirera de la compétition, et l’Autrichienne Erika Mahringer, qui remportera encore deux médailles d’argent d’Aspen en 1950 avant de stopper sa carrière. Enfin le combiné revient à l’Autrichienne Beiser-Jochum, devant Gretchen Fraser et Erika Mahninger.
Palmarès messieurs
Descente:
Or: Henri Oreiller (FRA), argent: Franz Gabl (AUT), bronze: Karl Molitor (SUI) et Ralph Olinger (SUI)
Slalom:
Or: Edi Reinalter (SUI), argent: James Couttet (FRA), bronze: Henri Oreiller (FRA)
Combiné:
Or: Henri Oreiller (FRA), argent: Karl Molitor (SUI), bronze: James Couttet (FRA)
Palmarès dames
Descente:
Or: Hedy Schlunegger (SUI), argent: Trude Jochum-Beiser (AUT), bronze: Resi Hammerer (AUT)
Slalom:
Or: Gretchen Fraser (USA), argent: Antoinette Meyer (SUI), bronze: Erika Mahringer (AUT)
Combiné:
Or: Trude Jochum-Beiser (AUT), argent: Gretchen Fraser (USA), bronze: Erika Mahringer (AUT)
Tableau des médailles:
Suisse: 6 (or 2, argent, 2, bronze 2)
France: 5 (or 2, argent 1, bronze 2
Autriche: 6 (or 1, argent, 3, bronze 3)
USA: 2 (or 1, argent 1)
Photos:
En haut: Henri Oreiller © valsport.org
En bas: Hedy Schlunegger © alchetron.com